La crise de mai 68 devait surprendre le pays en pleine mutation.
Depuis mars, la crise était ouverte dans certaines universités : les groupes d’agitateurs s’étaient constitués ça et là, à la manière allemande. Mais la masse des étudiants était devenue considérable : elle avait triplé en dix ans. Ils étaient désormais 600 000 et beaucoup s’interrogeaient avec angoisse sur la finalité de leurs études et sur le sort qui les attendait dans une « société de consommation » où leur insertion était tristement programmée : la crise morale était chez eux plus grave que la crise matérielle.
Les premières bagarres, au début de mai, eurent rapidement pour conséquence la mobilisation spontanée de masses étudiantes
décidées à l’affrontement. Le mouvement s’étendait par ailleurs en province, où les facultés se mettaient en grève.
Relayant et amplifiant la révolte étudiante, le monde ouvrier entrait dans l’action, sous l’effet d’une irrésistible poussée de la base. Un ordre de grève générale était lancé et le 13 mai les syndicats tous réunis organisaient une manifestation de 200 000 personnes à la Bastille. Le lendemain, le général de Gaulle partait pour la Roumanie. Pendant son voyage, du 14 au 18, la situation s’était considérablement aggravée.
Les occupations d’usines se multipliaient, la SNCF entrait dans la grève.
L’intervention du Général le 19 « la Réforme oui, la chienlit non » ne devait pas calmer les esprits, mais elle mobilisait silencieusement les masses inquiètes devant les affrontements continuels, l’effervescence des journalistes, des médias, les images de voitures incendiées et de charges brutales diffusées par les écrans de TV.
Même les paysans, peu touchés jusque là par le mouve ment, commençaient à manifester à partir du 24. La France semblait prise de folie.